Cela faisait des mois que j’avais prévu de vous écrire un article sur le film « La loi du marché » de Stéphane Brizé dans lequel joue Vincent Lindon. Ce long-métrage, sorti en 2015, a été diffusé en mai dernier sur Arte. Peu avant sa diffusion, un animateur expliquait qu’il avait trois raisons pour convaincre les téléspectateurs de le regarder : l’histoire, la réalisation et l’interprétation de Lindon. Trois arguments que je vais démonter dans cet article.
Le long-métrage « La loi du marché » est sur ma liste des films à regarder depuis l’ouverture de ce blog. Pour la qualité de son histoire ? Non. Pour la qualité de la réalisation ? Non. Pour la présence de Vincent Lindon ? Non. Même si j’apprécie beaucoup cet acteur dans la plupart de ses films depuis « Mademoiselle Chambon ». Je souhaitais regarder ce film pour ses sujets principaux : le licenciement et la recherche d’emploi, qui sont, pour rappel, au centre de mon blog « Le Plan B ».
L’histoire où des passages ont été trop souvent coupés
Le narrateur d’Arte précise : « C’est l’histoire du dilemme moral d’un père de famille, chômeur de longue durée, qui accepte un poste qui n’a rien à voir avec ses compétences. Il se retrouve alors pris au piège d’un système pervers d’exploitation et de soumission pour conserver son emploi. » Ah bon… Carrément. Tu pousses pas le bouchon un peu trop loin, Maurice ? A aucun moment on ne voit le personnage contraint d’accepter cet emploi. Nous avons juste droit à une scène avec le conseiller de Pôle Emploi à qui Thierry – le prénom du personnage joué par Lindon – explique qu’après avoir perdu son temps dans une formation de grutier inutile, il risque dans cinq mois de tomber au RSA avec 500 euros par mois de revenus. Quelques minutes plus tard, on le voit en compagnie de sa banquière : elle lui dit que pomper sur son épargne perso pour payer ses factures n’est pas une bonne idée, elle lui conseille de vendre son appartement à 5 ans de l’échéance du crédit et de souscrire une assurance obsèques. Rien ne laisse à cet instant présumer qu’il est au bord de la faillite personnelle. OU l’autre explication, c’est que tout ce qui pouvait justifier l’obligation d’accepter cet emploi d’agent de sécurité ait été coupé au montage. Parait que c’était un film à très petit budget. Le réalisateur a été le premier à en parler dans les médias.
Le film laisse sur sa faim
L’animateur d’Arte ajoute à sa première intervention une question : « Faut-il tout accepter ? ». Visiblement Thierry accepte puisque jamais on ne l’entend dire qu’il est contre ce qu’il fait. Rien, pas un dialogue, pas une scène avec sa femme, son collègue, le facteur ou même le chien du voisin. Rien. Les scènes de fin ne sont pas plus explicites : il arrête une deuxième caissière suspectée de détourner des points fidélité, assiste à son entretien avec le directeur et puis, il s’en va, range ses vêtements dans le vestiaire et part en voiture. Il a fini sa journée ? Il démissionne ? On ne sait pas. A moins que… là encore les scènes explicatives, faute de budget, aient été coupées au montage.
Un tournage avec des comédiens non professionnels
Deuxième argument de poids selon l’animateur d’Arte est la réalisation où des comédiens occasionnels donnent la réplique à Vincent Lindon. Avec une particularité : occuper le même emploi dans la vraie vie. Le conseiller pôle emploi, c’est un vrai. Là pas de doute vu son manque d’entrain. La conseillère de la banque, c’est une vraie. Elle rebondissait trop bien aux arguments pour te refiler ses produits et autres services bancaires. Les caissières ou devrais-je dire « hôtesses de caisse » sont des vraies. Le professeur de danse – sosie de Marc Levy – sent le vrai. Le mec qui joue le rôle du responsable R.H. est un comédien occasionnel… banquier dans la vraie vie. Deux m’ont particulièrement interpellée mais on ne voit pas leurs visages : le patron qui fait passer un entretien d’embauche et le conseiller en entretien d’embauche qui te donne des trucs et astuces pour décrocher un job.
Le manque de répartie de Vincent Lindon
La scène avec le patron est hallucinante. Il fait passer un entretien d’embauche par visioconférence. Bon… c’est possible.. Depuis la COVID. Mais là nous sommes en 2015 ! Ce n’est pas cohérent. Et vu la qualité des dialogues j’en viens à me demander si Vincent Lindon avait un script parce qu’il a très peu de répartie. Il subit tout. A chaque fois qu’il se fait démolir, il ne dit rien. Le recruteur lui dit que son C.V. est pourri. « Ah bon, répond l’autre, je n’en avais pas l’impression. » Son interlocuteur ajoute, en gros, qu’il n’espère surtout pas être engagé. L’autre : « Ah bon, Ok, je comprends ». Ben non, tu n’es pas sensé comprendre, rétorquerait ton pote de Pôle Emploi, t’es sensé demander pourquoi tu n’as pas été retenu. C’est la base ! Tu progresses par les refus ! Enfin tu l’aurais su si quelqu’un s’était occupé du script et du réalisme de l’histoire. OU… Encore une fois, les bonnes répliques ont été coupées au montage, faute de budget.
Le personnage s’en prend plein la gueule
L’autre mec qu’on ne voit pas est le conseiller en entretien d’embauche. Il fait passer une simulation à Vincent Lindon et analyse ses réponses devant un groupe de demandeurs d’emploi où chacun y allait de sa petite remarque : « Il a pas l’air aimable », « Il a pas l’air content d’être là », « Il ne sourit pas. » Le formateur demande : « Et vous, les autres, vous avez envie de venir lui parler si vous le croisiez ». Une femme du groupe répond : « Non. » Lindon, au lieu de répondre « Non mais tu sais j’aurais peut-être pas eu envie que tu le fasses. », se laisse faire et répond par un sourire gêné. Ce n’est pas crédible.
Un manque criant de dialogues
L’enchainement tombe à point pour vous parler de l’interprétation de Vincent Lindon. Clair qu’il a dû gagner du temps en lecture de script. Il n’y a pas de dialogues dans « La loi du marché ». Les critiques ont fait remarquer ce fait et dans une interview Vincent Lindon a répondu : « De toute façon, je n’ai pas envie d’expliquer, de m’expliquer. En expliquant, je m’entends le dire et j’ai peur de prendre conscience de ce que je fais, très naturellement, à l’instinct mais pas si inconsciemment non plus. La psychologie du personnage ne m’intéresse pas. Quand je joue, c’est physique et organique. Je suis vrai. » Ouais… Mais le compost aussi est organique et on y trouve plus de vie que dans le jeu de Vincent Lindon !
Le cinéma dit « social » est vide de sens
Le problème avec les films sociaux est qu’ils enfoncent des portes ouvertes. Ce n’est pas le premier que je visionne pour ce blog et, à chaque fois, je suis sidérée de voir le manque de crédibilité des personnages. Virés comme des merdes, malmenés dans les services de l’Administration, ils subissent tout et ne savent jamais quoi faire et quoi répondre. Idem pour les proches. Tout le monde est là, bien gentil, en train de manger son poulet-frites et de vivre dans un silence quasi permanent avec leurs proches. Les dialogues sont pourris ou absents. Quant à la réalisation, elle trouve toujours une astuce pour donner le change sur l’ennui. C’est le cas dans « La loi du marché ». Parce qu’il n’y a pas d’histoire et de sujet principal – ou dénonciation d’un quelconque système -, le réalisateur a trouvé l’astuce de mettre des comédiens occasionnels dans les métiers qu’ils exercent dans la vraie vie. Pourquoi ne pas avoir pousser la réflexion plus loin et avoir pris un vrai chômeur qui accepte un job à mille lieues de ses compétences au lieu de prendre un Vincent Lindon qui, sauf erreur de ma part, n’a jamais été gonfler les chiffres de Pôle Emploi ?

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